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La parole est à notre bonne ville

Mes origines

Mon nom apparaît pour la première fois dans les textes en 965. On sait aussi que je comptais 815 habitants deux cent cinquante ans plus tard. On peut donc croire que je remonte vraisemblablement à une époque largement antérieure au Xème siècle.
Sans doute a-t-on mis à jour, sur mon territoire, d’intéressantes traces d’occupation humaine beaucoup plus anciennes : les vestiges d’une villa romaine, en bordure de la rue des Prés et, sur la rive gauche du Geer, les restes de deux groupes d’habitations omaliennes, de vastes cabanes rectangulaires construites par de pacifiques cultivateurs, il y a 7000 ans. Toutefois, ces découvertes se situent loin en dehors de mon périmètre primitif et elles n’autorisent dès lors aucune conclusion quant à mes origines.

Me voici : bonne ville

Mon histoire proprement dite commence au début du XIème siècle et s’ouvre par un événement déterminant pour mon avenir. Avec mes 1032 bonniers et tout ce qui y vivait, mes manants y compris, j’appartenais à une noble Dame : la Comtesse ERMENGARDE. En 1078, celle-ci décida de léguer ses biens au prince-évêque de Liège. La charte de donation le rappelle : je possédais alors outre mon château, cinq moulins et six brasseries. Ainsi, j’étais déjà une grosse bourgade agricole au XIème siècle.

Ce legs m’incorpora à la principauté de Liège, puissant état dont j’allais partager le sort – pour le meilleur comme pour le pire – jusqu’à la fin du XVIIIème siècle.

La frontière occidentale de cet état courait de Beringen vers la Meuse. J’étais ainsi une localité frontalière, et même la seule de quelque importance entre Saint-Trond et Huy. Ceci me vaudra l’honneur de figurer dès le XVIème siècle parmi les 21 Bonnes Villes de la principauté, villes fortifiées et points d’appui indispensables au prince.

Mes deux bourgmestres me représentent dès lors à Liège en siégeant au Tiers-Etat, l’une des trois instances politiques dont l’accord seul faisait la loi dans la principauté.

Je n’avais cependant pas attendu cette consécration pour jouer le rôle d’une ville. Dès le début du XIVème siècle, je m’étais dotée d’un marché, d’une halle et d’un hôpital, bâti entre le Geer et l’actuelle rue Stiernet. On avait même battu monnaie dans mes murs, sous Thibaut de Bar (1303-1316) et diverses réunions de haut niveau s’étaient tenues chez moi.

J’occupais un carré d’environ 400 mètres de côté, adossé au Geer et fermé par ailleurs par des remparts de terre. La rue du Baloir, l’avenue G. Joachim, l’avenue H. Monjoie et la rue des Remparts en suivent le tracé. Trois portes s’y ouvraient : celle de Liège, celle de Saint-Trond et celle de Huy, cette dernière au pied de la rue du Baloir dont le nom signifie " boulevard, rempart ".

Il ne me reste rien de cette époque… Mes couvents ont eux aussi disparu : celui des Récollets, construit en 1624 à l’emplacement de mon hôpital, comme celui des Sépulchrines, fondé en 1638 à l’endroit devenu place de l’Ecole moyenne.

Car, hélas ! Toute médaille a son revers ! Si ma situation avait bien servi mes intérêts, elle m’attira, en revanche, plus d’une catastrophe. Et quand je dis plus d’une…

J’ai été livrée aux flammes à trois reprises : en 1213 et en 1347, par les Ducs de Brabant ; en 1691, par Charles-le-Téméraire. Ajoutez à cela un violent incendie accidentel qui, en 1748, détruisit le quart de mes maisons, mon hôtel de ville, mon école et deux de mes grosses fermes. Et je vous fais grâce de la longue liste des pillages ou réquisitions que je dus subir, parfois même de la part de mes propres alliés !

Parmi les rudes chevaliers hesbignons du Moyen âge, figurait GUILLAUME II de JENEFFE, " le bon et beau châtelain de Waremme ". Il commanda le clan des Awans, opposé à celui des Waroux, au cours d’une longue guerre fratricide qui dura plus de 40 ans. L’une de ses batailles se déroula en 1313 au pied de mes remparts, devant la Porte de Liège.

Citoyenne du Département de l’Ourthe

En 1792, les troupes françaises entrent à Liège. C’est la fin, pour notre principauté : nous sommes rattachés à la France et j’appartiens au Département de l’Ourthe. J’ai gardé peu de souvenirs agréables de cette époque. Elle me rappelle la fermeture de mes couvents, bientôt vendus, puis démolis et la conscription obligatoire qui envoya combattre, aux quatre coins de l’Europe, une vingtaine de mes fils mis au service de Napoléon. Plusieurs n’en sont jamais revenus…

Je conserve toutefois un témoin bien vivant de ce quart de siècle : le vénérable tilleul qui borde l’entrée de l’avenue Leburton. Il a été planté le 22 septembre 1797, à l’occasion de l’anniversaire de la République : d’où son nom d’Arbre de la Liberté.

Een ontevreden Hollandse dorp

A m’entendre m’exprimer ainsi, n’allez surtout pas conclure que j’éprouve quelque nostalgie à l’égard du temps où nous étions devenus hollandais, après 1815. Pour moi, ce ne fut pas une réussite : bien que promue Chef-lieu d’Arrondissement administratif, je perdis mon titre de ville.

Deux de mes fils combattirent parmi les révolutionnaires : Isidore Vrancken et le pharmacien Louis-Joseph Lejeune.

Une petite belge qui se porte bien

Peu après l’Indépendance, un événement vint bouleverser ma vie : l’ouverture, en 1838, de la ligne de chemin de fer Malines-Ans. Ma gare attira rapidement industriels et commerçants et un nouveau hameau se forma à mi-chemin entre ma Porte de Huy et Longchamps, avec deux sucreries, une savonnerie, un fabricant de tabacs, un moulin à vapeur… Bientôt, je me soudai à ce hameau, puis à cet autre où un jeune homme appelé à une brillante carrière scientifique et politique : le baron Michel-Edmond de SELYS-LONGCHAMPS (1813-1900), commençait ses observations sur la faune et la flore.

Ce fut alors le grand bond en avant. De 1815 à 1880, ma population passa de 1200 à près de 3000 âmes. Mon développement attira des écoles qui, aujourd’hui encore, constituent l’un de mes fleurons : en 1851, une école moyenne de l’Etat, devenue l’Athénée royal ; en 1855, une école moyenne catholique : l’actuel collège Saint Louis et en 1866, l’institut des Filles de la Croix, maintenant intégré au collège.

Dans ce même coin, s’établirent, en 1870, mes nouvelles écoles communales, une Justice de Paix et une caserne de Gendarmerie, un bel ensemble avec sa place bordée de tilleuls.

Ces réalisations consolidèrent les succès de mes admirateurs libéraux qui occupèrent longtemps la totalité des sièges de mon Conseil. Mais, en 1903, les catholiques leur en arrachèrent trois. Trois sur sept ! Effrayés par ce coup de semonce, les " Bleus " n’hésitèrent pas à s’allier aux " Rouges " qui commençaient à faire beaucoup parler d’eux. En 1907, leur cartel l’emporta : deux socialistes, Ferdinand Gilet et Guillaume Joachim, entrèrent ainsi au Conseil. Le second devenant presque aussitôt échevin, comme prévu par les accords.

En 1902, j’avais remplacé mon ancien hôtel de ville par les bâtiments actuels. En 1911, je mis en service une centrale électrique et mes réverbères commencèrent à disparaître.

Mis à part les sacrifices consentis par beaucoup de familles, je n’eus guère à souffrir de la Guerre 14-18. On parla de moi, à propos de la capture de 40 uhlans, pris au piège par cinq " pioupious ", à l’entrée de la rue de Huy. Mais, l’événement du mois d’août 1914 fut la fuite de mon bourgmestre. Guillaume Joachim prit sa place.

Sous la houlette du vieux mayeur

En 1915, mes remparts avaient été rasés. Libérée de mon antique enceinte, je me mis à m’agrandir, traçant à travers prés et champs des chemins droits comme un sillon où les maisons se mirent aussitôt à pousser. Sous la tutelle de Guillaume Joachim, administrateur avisé, je parvins à me hisser à peu de chose près jusqu’à la barre des 5000 habitants.

La mutualité socialiste m’avait pourvue d’une clinique en 1924. une seconde – la clinique Notre-Dame, vit le jour en 1935. Les frères Moes bâtirent leur usine en 1922. En 1928, je vis s’ouvrir un nouvel établissement : une école d’Agriculture, évoluée depuis en I.P.E.S. Ma voirie s’était beaucoup améliorée et, en 1931, on inaugura mes premiers égouts.

L’année suivante, Guillaume Joachim conduisit ses troupes à la victoire : les socialistes remportèrent la majorité.

Je m’apprêtais à m’équiper d’un réseau de distribution d’eau lorsque la guerre éclata… On crut longtemps qu’elle ne m’affecterait pas davantage que la précédente, même si les raids hardis de l’Armée secrète soulevèrent parfois mon émoi et si le sabotage de la voie ferrée par le Front de l’Indépendance me fit un moment craindre le pire. Malheur ! A quelques jours de la Libération, un bombardement coûta la vie à quatorze de mes habitants et endommagea gravement l’ensemble des bâtiments de ma place.        

Leburton

Un journaliste a proposé de me rebaptiser ainsi, car le jeune député socialiste qui succéda au Vieux Mayeur en 1947 a considérablement marqué ma vie. Ministre à diverses reprises, même " Premier ", ce grand homme d’Etat, secondé par ses amis Henri Monjoie, Hector Close et par Mme Rita Ledure-Hanot, parvint à m’insuffler l’ambition nécessaire pour prendre un nouveau départ.

Il me fallut tout d’abord panser mes plaies : l’ensemble des bâtiments frappés par le bombardement furent démolis, et ceci permit d’agrandir ma place.

A partir d’alors, mon histoire sera celle d’une localité décidée à exploiter hardiment ses chances grâce à une politique adéquate de l’habitat, doublée du souci de développer parallèlement ses équipements collectifs.

Il ne m’est pas possible de dresser ici un bilan complet tant la liste serait longue et tant serait grand le risque de voir ma mémoire de vieille entraîner de regrettables omissions. Je me borne à citer un choix d’exemples : l’ouverture de plusieurs nouveaux quartiers ; l’installation de la distribution d’eau ; la création de rues, d’un parc industriel et d’un Centre sportif et culturel ; la construction d’un Arsenal des Pompiers, d’un abattoir moderne, d’une station d’épuration des eaux et d’une nouvelle école communale ; l’aménagement d’une réserve naturelle ; le parachèvement de ma place, sans oublier des travaux comme l’extension de mon réseau d’égouts rendue notamment nécessaire par ma fusion, en 1970, avec six de mes voisines.

A tout cela, il convient d’ajouter diverses innovations dues aux pouvoirs centraux mais qui durent souvent beaucoup à l’influence du Grand Chef blanc : pensez, par exemple, au cas du passage de l’autoroute sur mon territoire.

L’initiative privée emboîte le pas : création de homes pour personnes âgées, mise en service d’une nouvelle râperie, apparition des " grandes surfaces " et, surtout, construction de nombreux logements parmi lesquels, à partir de 1964, des immeubles à appartements, tandis que mes écoles, mes cliniques, mes services publics déménagent pour pouvoir s’agrandir. En 1955, l’électrification de la ligne Bruxelles-Liège vient encore m’ajouter un attrait supplémentaire.

Tout cela entraîna une augmentation rapide de ma population : 5000 habitants en 1949, 6000 en 1957, 7000 en 1964, 8000 en 1970, plus de 12000 en 1986, lorsque Edmond Leburton passa la main, après 40 ans de mayorat.

Les hameaux

J’aurais beaucoup à vous à vous dire d’eux : de MOUHIN, où vécurent trois Seigneurs assassinés par les Waroux ; de PETIT-AXHE, qui fut une seigneurie et eut sa propre Cour de Justice ; de HARTENGE, où l’avoué d’Ermengarde vivait dans sa villa ; de SAINT-ELOI, vers où montait la cavalcade en l’honneur du saint Patron des forgerons ; de BETTINCOURT, une vieille connaissance, qui dépendit de moi jusqu’à la fin du XVIIème siècle et dont l’un de mes bourgmestres devait être issu ; de LONGCHAMPS, qui alternait avec Bettincourt dans l’exercice de cette prérogative et pour qui on organisa, jusqu’en 1908, des élections séparées ; de BLERET, dont Hubert STIERNET substitue volontiers le nom au mien dans ses livres ; de BOVENISTIER, le seul d’entre nous à faire partie de la zone vraiment typique de la Hesbaye ; de GRAND-AXHE, où l’on découvrit un jour un trésor et dont l’un des fils fut général en Bolivie ; de LANTREMANGE, que se disputèrent l’abbé de Stavelot et le prince-évêque de Liège ; d’Oleye enfin, où Charles le Téméraire signa la paix avec les Liégeois en 1466.

Ancien Corps de Garde de la Porte de Saint-Trond         

Mais le temps m’est compté…

La nature ne m’avait pas fait cadeau de sites touristiques et, vous le savez, l’histoire ne m’a pas épargnée. Malgré tout, je ne suis pas mécontente de moi…

Grâce à l’intervention du Sénateur Jules COEN, j’ai récupéré en 1985 mon titre de ville. Et ce n’était que justice : je le mérite plus que jamais.

Un humoriste affirmait que, pour résoudre les problèmes posés par les grosses concentrations urbaines, il suffit de transporter les villes à la campagne ! N’ai-je pas en quelque sorte réussi à réaliser cette gageure ? En tout cas, je suis maintenant une localité réputée hospitalière.

Pocwè hignîz-v’ ? Arîz-v’ vôrmint l’front di m’didîre ? Vos n’lèchez don may lès gazètes ? Iye don bon Dju ! Vos n’alez tot l’minme nin m’trêti d’boûrdeûse ? (1)

Excusez-moi : quand je m’emporte, il m’arrive parfois de me mettre à m’exprimer soudain en wallon ! Et, quand j’ai vu certains faire la grimace…

Comprenez-moi : si je me permets de m’attribuer des mérites, c’est que des enquêtes me les ont reconnus, notamment celle de la Fondation Roi Baudouin. Bien entendu, cela ne signifie pas que tout le monde soit satisfait. Le fabuliste l’a dit : On ne peut contenter tout le monde… et son père ! Mais je m’arrête ici…

Maurice Joachim
(1) Pourquoi grimacez-vous ? Auriez-vous, nom d’un chien, l’audace de me contredire ? Vous ne lisez donc jamais les journaux ? Oh là, bon Dieu ! Vous n’allez tout de même pas me traiter de menteuse ?